Loi "immigration" : une censure en demi-teinte

26.01.2024

Droit public

Le Conseil constitutionnel a censuré 32 articles de la loi "pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration" qui en comptait initialement 86. Ont notamment été écartées des dispositions visant à restreindre les droits sociaux des étrangers.

La très attendue décision du Conseil constitutionnel relative à la loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » a été rendue jeudi 25 janvier. Le texte, dont la parution au Journal officiel est désormais imminente, ne contiendra pas une série de réformes visant à restreindre certains droits sociaux pour les étrangers. Les « Sages » ont en effet censuré divers articles adoptés en ce sens par les parlementaires. Il s'agit cependant d'une censure de pure forme, lesdites dispositions ayant été considérées comme ne présentant pas « de lien, même indirect » avec le projet de loi initial.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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En matière d'aide et d'action sociales, on retiendra les « cavaliers législatifs » suivants :

  • l’article 19 qui avait pour objet de soumettre le bénéfice du droit au logement opposable (DALO), de l’aide personnelle au logement (APL), de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de sept des neuf prestations familiales (exclusion de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé - AEEH - et de l'allocation forfaitaire versée en cas de décès d'un enfant) pour l’étranger non ressortissant de l’Union européenne à une condition de résidence en France d’une durée d’au moins 5 ans ou d’affiliation au titre d’une activité professionnelle depuis au moins 30 mois ; dans un avis du 23 janvier dernier, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) s'était notamment inquiété de « l'inéluctabilité de l'augmentation et de l'aggravation de la pauvreté des étrangers » qui résulteraient de telles mesures ;

  • l’article 45 qui modifiait l’article L. 221‑2‑4 du CASF afin de prévoir que l’évaluation de la situation d’une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille (dite « mineur non accompagné » - MNA) devait être réalisée sur la base d’un cahier des charges national défini en concertation avec les départements ;

  • l’article 48 qui insérait un article L. 414‑1‑1 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que, lorsqu’il prend une décision de refus de séjour, de retrait d’un titre ou d’un document de séjour ou d’expulsion, le représentant de l’État dans le département informe sans délai les organismes de sécurité sociale et Pôle emploi (remplacé par France Travail depuis le 1er janvier 2024). Ce même article précisait également certaines conditions dans lesquelles ces organismes procèdent à la radiation de l’assuré étranger ;

  • l’article 67 qui modifiait les articles L. 345‑2, L. 345‑2-2 et L. 345‑2-4 du CASF relatifs au dispositif d’hébergement d’urgence dont il restreignait le champ d'application. Le texte prévoyait en effet que l’étranger ne bénéficiant pas d’un droit au séjour en France et faisant l’objet d’une décision portant OQTF ou d’une mesure d’expulsion ne pouvait être hébergé au sein du dispositif d’hébergement d’urgence « que dans l’attente de son éloignement ». Restriction critiquée par le CNLE qui, « au-delà de la fragilisation des situations individuelles », pointait le « risque de trouble à l'ordre public »  lié à l'augmentation du nombre de personnes à la rue engendrée par une telle réforme.

Si la loi « Immigration »  ne contiendra donc pas ces dispositions censurées comme cavaliers législatifs, celles-ci pourraient figurer, non sans risques, dans un autre texte soumis au Parlement (projet ou proposition de loi) avec lequel elles auraient un rapport plus direct. Par exemple, la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France, qui sera débattue au Sénat en séance publique à compter du 30 janvier, pourrait permettre de réintroduire les mesures restrictives concernant l'APA. In fine, il appartiendrait au Conseil constitutionnel de se prononcer sur le fond et apprécier en particulier la conformité de telles dispositions au principe d'égalité devant la loi.

Sybilline CHASSAT-PHILIPPE
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